samedi 24 décembre 2016

Calendrier de Lavans des chansons engagées (24/24) # Saison 3 - "Kelmti Horra"

En cette veille de Noël, je vous propose une voix, un c(h)leur, une révolte...
Ceux d'une "jeune rebelle et insoumise", qui écrit "à travers [s]es années de combat artistique et idéologique, à travers [s]es larmes d'immigrée, [s]a souffrance, [s]on amour pour la liberté"...
Emel Mathlouthi est née en Tunisie en 1982. Elle a chanté "Dhalem" (Tyran) sur la place Habib Bourguiba lors de la révolution tunisienne.
"Tue-moi, j'écrirai des chansons.
Blesse-moi, je chanterai des histoires (...).
Il pleuvra des mélodies qui sécheront mes pleurs,
Le temps t'emportera, mais elles demeureront..."
Le titre de son premier album studio, Kelmti Horrasignifie en arabe « Ma parole est libre »...
Cette parole libre, elle la chante en 2013 à l'opéra de Téhéran lors du premier concert de femmes solistes donné en Iran depuis la Révolution iranienne de 1979 ( à voir dans le documentaire "No Land's song")... Et à Oslo, en 2015 lors de la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix décerné au quartet du dialogue national qui a conduit les négociations pour la rédaction de la nouvelle constitution tunisienne (l'Union générale tunisienne du travail, de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, du Conseil de l'Ordre national des avocats de Tunisie et la Ligue tunisienne des droits de l'homme...



C'est cette interprétation à Oslo qui se trouve en pièce jointe...

Au passage, puisque c'est Noël, elle chante aussi "Hallelujah" de Léonard Cohen.

A noter qu'elle passe en concert aux Abattoirs à Bourgoin-Jallieu le 1er avril.
Et que le CD sera empruntable à la médiathèque de Saint-Claude à partir de l'ouverture, samedi 28 janvier (aperçu par ici)...
Mille mercis à Sophie de me l'avoir fait découvrir et prêté en avant-première.

Ma parole est libre (كلمتي حرة Kelmti Horra)

Je suis ceux qui sont libres et n'ont pas peur
Je suis les secrets qui ne mourront jamais
Je suis la voix de ceux qui n'abandonneront pas
Je suis la raison au sein du chaos

Je suis le droit des opprimés
Qui est bradé par ces chiens
Qui privent le peuple de leur pain quotidien
Et claquent la porte au nez des idées

Je suis ceux qui sont libres et n'ont pas peur
Je suis les secrets qui ne mourront jamais
Je suis la voix de ceux qui n'abandonneront pas
Je suis libre et ma parole est libre
Je suis libre et ma parole est libre
N'oubliez pas le prix du pain
Et n'oubliez pas les causes de notre misère
Et n'oubliez pas qui nous a trahi quand nous étions dans le besoin

Je suis ceux qui sont libres et n'ont pas peur
Je suis les secrets qui ne mourront jamais
Je suis la voix de ceux qui n'abandonneront pas
Je suis le secret de la rose rouge
Dont la couleur était aimée des années
Dont le parfum a été immergé par les rivières1
Et qui a pris tel un feu
Appelant ceux qui sont libres

Je suis étoile brillant dans la nuit
Je suis épine dans la gorge de l'oppresseur
Je suis vent touché par le feu
Je suis l'âme de ceux qui ne sont pas oubliés
Je suis la voix de ceux qui ne sont pas morts

Changeons l'acier en argile
Dont nous façonnerons un nouvel amour
Qui deviendra oiseau
Qui deviendra foyer2
Qui deviendra vent et pluie

Je suis tous les hommes libres rassemblés
Je suis comme une balle de fusil

Je suis tous les hommes libres rassemblés
Je suis comme une balle de fusil

La bise,

vendredi 23 décembre 2016

Calendrier de Lavans des chansons engagées (23/24) # Saison 3 - "Frontières"

Francesca Solleville est la petite-fille du fondateur de la Ligue italienne des droits de l'homme.
Elle est née à Périgueux (Dordogne) d'un père gascon qui participera à la Résistance et d'une mère italienne membre du mouvement antifasciste « Giustizia e liberté ».
Son répertoire compte bon nombre de chansons engagées contre le nazisme, le franquisme, la guerre du Viêt Nam. Elle soutient également la cause ouvrière.
Elle a chanté la Commune de Paris.
L'an dernier, elle était parmi les signataires de l'Appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence ».

La chanson du jour, "Frontières" est issue de son dernier album, "La promesse à Nonna" (2012)...
Elle a été écrite par Alain Leprest.

Frontières

C’est une ritournelle, un refrain qu’on nous sert comme une prière
Sincères et presque bons chrétiens, en tirant vers soi la soupière
On ne peut pas, comprenez-bien, accueillir toute la misère !

Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?

On nous dit : c’est complet, c’est plein, on ne sait pas que faire
Des sans-papiers, des clandestins, des réfugiés de toutes les guerres
C’est facile de tendre la main, où s’arrêtera la surenchère ?

Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?

Pas de quoi, dit-on, en faire un foin, hurler à la chasse aux sorcières
Qui n’a pas son lot de pépins, de tracas et de vents contraires
Chacun chez soi, c’est plus serein, faut se méfier du chien qui erre.

Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?

Paraît d’ailleurs que les Bohémiens, c’est dans leurs gênes le goût de l’air
Que leur liberté, ça ne vaut rien que le prix d’un vol en charter
Il y a des lois, c’est bien le moins, même sur une terre hospitalière

Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?

Bien sûr tout le monde convient qu’il y a de pires gangsters
Que ces ramassis, ces vauriens, voleurs de poules, de pommes de terre
Pour les plumer, eux, pas moyen, ils n’ont pas de compte bancaire

Et c’est pour ça que c’est plus humain de les reconduire aux frontières...

C’est une ritournelle, un refrain qu’on nous sert comme une prière
Sincères et presque bons chrétiens, en tirant vers soi la soupière
On ne peut pas, comprenez-bien, accueillir toute la misère !

Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?
Mais où vont les êtres humains que l’on reconduit aux frontières ?

Merci à Nadia de me l'avoir fait découvrir.

La bise,

Ju.

Calendrier de Lavans des chansons engagées (22/24) # Saison 3 - "Histoire de pêche"

Vous remplacez les tracteurs par les bateaux de pêche... et vous retrouvez le même engrenage, la course à l'intensif, avec les emprunts qui vont avec. Les Cow-boys fringants ont chanté l'histoire de ces petits pêcheurs qui ont dévastétoutes leurzones de pêche, dans une course effrénée à l'expansion.
Je sais bien que tout le monde n'écoute pas les Cow-boys fringants, mais je ne comprends pas qu'avec le constat des erreurs passées, on en soit encore à pêcher la baleine, qu'il faille encore se mobiliser pour interdire la pêche au chalut profond (la France et l'Espagne ont voté contre son interdiction), que l'on poursuive la déforestation, l'extractivisme, le bétonnage...



Il faudrait lire, relire et faire lire "Pieds nus sur la terre sacrée"...
On y retrouvera le proverbe de Sitting Bull.

"Quand le dernier arbre aura été coupé,
Quand la dernière rivière aura été empoisonnée,
Quand le dernier poisson aura été attrapé,
Seulement alors,
l'Homme se rendra compte que l'argent ne se mange pas.”

En écho,  le discours du chef Seattle est à écouter par là et à lire par ici.

Histoire de pêche
Le petit pêcheur gaspésien
Suivait son père chaque matin
Quinze ans et demi et déjà le pied marin
Sous la lueur d'un vieux fanal
Accompagné par les étoiles
Prenait le large le vent dans les voiles
Tous les jours son père lui disait
Quand ils remontaient les filets
Y'a tant de poissons dans le St-Laurent
Qu'on en aura jusqu'à la nuit des temps

Et au bout de quarante saisons
Le paternel comme de raison
Décida de jeter l'ancre pour de bon
Le petit pêcheur gaspésien
Qui n'avait plus rien d'un gamin
Prit la relève du bonhomme haut la main
Comme les pêcheurs des environs
Il voulut prendre de l'expansion
Troqua le vieux bateau pour un plus grand
On ne peut pas arrêter le changement

Le petit pêcheur gaspésien
Roulait sa bosse avec entrain
Dans les années soixante-dix et quatre-vingts
Et pour mieux runner sa business
Il prit avec lui ses deux fils
Comme le père l'avait fait avec lui jadis
La pêche était en plein essor
C'était l'époque des grands records
Ils revenaient chaque jour à marée basse
Le bateau rempli de morues bien grasses

(Instrumental)

Puis un coup dur pour la région
Que de la brume à l'horizon
On aurait dit qu'il y avait moins de poissons
Partout on niait l'évidence
Mais la rumeur courait dans l'anse
Que l'on aurait surestimé l'abondance
Comme il n'y a plus de morues
Et que les prises diminuent
Les scientifiques ont crié: halte-là!
Il fallut vite imposer des quotas

La morue reviendra bien vite
Répétaient les plus optimistes
Même si plusieurs allaient droit vers la faillite
Beaucoup de jeunes gens de la place
Découragés partirent en masse
Y'a pas de jobs icitte qu'est ce que tu veux qu'on fasse?
Quand on base une économie
Toute sur une même industrie
C't'un peu comme mettre ses oeufs dans l'même panier
On reste le bec à l'eau quand y'est vide

Le petit pêcheur gaspésien
Sent monter en lui le chagrin
Quand il voit ses garçons exilés au loin
Les deux ont les pieds bien au sec
L'un à Montréal l'autre à Québec
Plus jamais ils ne sentent l'odeur du varech
Le poisson n'est jamais rev'nu
Et son beau bateau fut vendu
Il ne lui reste que le paysage
Et ses souvenirs quelque part au large

La bise,

Ju.

jeudi 22 décembre 2016

Calendrier de Lavans des chansons engagées (21/24) # Saison 3 - "Hexagone"

Dans la rubrique classique d'enfance, je demande Renaud. Renaud en version canal historique.
Cette chanson figurait en bonne place dans les cassettes de mon AX... Je me souviens de mes efforts pour en traduire les paroles en espagnol, pour une Italienne, durant mon séjour Erasmus. Je ne suis pas sûr que j'aie contribué à faire décoller la carrière de Renaud en Italie...

Mise à part la référence à la guillotine, je crois qu'il n'y a pas grand chose à changer.
Ah si... Peut-être que le nombre de prétendants a augmenté, lui aussi.



Hexagone
Ils s'embrassent au mois de janvier
Car une nouvelle année commence
Mais depuis des éternités
L'a pas tellement changé la France
Passent les jours et les semaines
Y'a que le décor qui évolue
La mentalité est la même
Tous des tocards, tous des faux culs
Ils sont pas lourds, en février
À se souvenir de Charonne
Des matraqueurs assermentés
Qui fignolèrent leur besogne
La France est un pays de flics
À tous les coins du rue y'en a cent
Pour faire régner l'ordre public
Ils assassinent impunément
Quand on exécute au mois de mars
De l'autre côté des Pyrénées
Un anarchiste du Pays basque
Pour lui apprendre à se révolter
Ils crient, ils pleurent et ils s'indignent
De cette immonde mise à mort
Mais ils oublient que la guillotine
Chez nous aussi fonctionne encore
Être né sous le signe de l'hexagone
C'est pas ce qu'on fait de mieux en ce moment
Et le roi des cons, sur son trône
Je parierai pas qu'il est allemand
On leur a dit, au mois d'avril
À la télé, dans les journaux
De pas se découvrir d'un fil
Que le printemps c'était pour bientôt
Les vieux principes du seizième siècle
Et les vieilles traditions débiles
Ils les appliquent tous à la lettre
Y me font pitié ces imbéciles
Ils se souviennent, au mois de mai
D'un sang qui coula rouge et noir
D'une révolution manquée
Qui faillit renverser l'Histoire
Je me souviens surtout de ces moutons
Effrayés par la Liberté
S'en allant voter par millions
Pour l'ordre et la sécurité
Ils commémorent au mois de juin
Un débarquement de Normandie
Ils pensent au brave soldat ricain
Qu'est venu se faire tuer loin de chez lui
Ils oublient qu'à l'abri des bombes
Les Français criaient "Vive Pétain"
Qu'ils étaient bien planqués à Londres
Que y'avait pas beaucoup de Jean Moulin
Être né sous le signe de l'hexagone
C'est pas la gloire, en vérité
Et le roi des cons, sur son trône
Me dites pas qu'il est portugais
Ils font la fête au mois de juillet
En souvenir d'une révolution
Qui n'a jamais éliminé
La misère et l'exploitation
Ils s'abreuvent de bals populaires
Du feux d'artifice et de flonflons
Ils pensent oublier dans la bière
Qu'ils sont gouvernés comme des pions
Au mois d'août c'est la liberté
Après une longue année d'usine
Ils crient "Vive les congés payés"
Ils oublient un peu la machine
En Espagne, en Grèce ou en France
Ils vont polluer toutes les plages
Et par leur unique présence
Abîmer tous les paysages
Lorsqu'en septembre on assassine
Un peuple et une liberté
Au cœur de l'Amérique latine
Ils sont pas nombreux à gueuler
Un ambassadeur se ramène
Bras ouverts il est accueilli
Le fascisme c'est la gangrène
À Santiago comme à Paris
Être né sous le signe de l'hexagone
C'est vraiment pas une sinécure
Et le roi des cons, sur son trône
Il est français, ça j'en suis sûr
Finies les vendanges en octobre
Le raisin fermente en tonneaux
Ils sont très fiers de leurs vignobles
Leurs "Côtes-du-Rhône" et leurs "Bordeaux"
Ils exportent le sang de la terre
Un peu partout à l'étranger
Leur pinard et leur camembert
C'est leur seule gloire à ces tarés
En Novembre, au salon de l'auto
Ils vont admirer par milliers
Le dernier modèle de chez Peugeot
Qu'ils pourront jamais se payer
La bagnole, la télé, le tiercé
C'est l'opium du peuple de France
Lui supprimer c'est le tuer
C'est une drogue à accoutumance
En décembre c'est l'apothéose
La grande bouffe et les petits cadeaux
Ils sont toujours aussi moroses
Mais y'a de la joie dans les ghettos
La Terre peut s'arrêter de tourner
Ils rateront pas leur réveillon
Moi je voudrais tous les voir crever
Étouffés de dinde aux marrons
Être né sous le signe de l'hexagone
On peut pas dire que ça soit bandant
Si le roi des cons perdait son trône
Y'aurait cinquante millions de prétendants

La bise,

Ju.